Les réquisitions

Réquisition pour expertise

S’il y a lieu de procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques qui ne peuvent être différés, l’OPJ a recours à toutes personnes qualifiées. Ils peuvent alors être amenés à requérir le concours des médecins.
Il est fréquent que les médecins soient requis pour un examen de garde à vue, une prise de sang en vue de la vérification de l’alcoolémie en cas d’accident de la route, l’examen du corps d’une personne décédée, une autopsie.

Le terme « réquisition » et le caractère contraignant qu’il suppose est source de confusion pour les médecins. Schématiquement, on peut distinguer selon l’objet de la réquisition. Dans certains cas très précis, la loi rend possible une expertise psychiatrique dès le stade de la garde à vue. Cet examen est obligatoire avant tout jugement d’une personne suspectée d’agression sexuelle. Elle est en conséquence ordonnée en garde à vue lorsque cette personne est jugée selon la procédure de comparution immédiate.
Il s’agit alors d’une véritable expertise pénale, destinée  à éclairer le tribunal sur les aspects psychopathologiques du sujet, son niveau de responsabilité, son accessibilité à une sanction ou à une injonction de soins (Loi n° 2003.239 du 18/03/2003, Loi n° 2004 du 9/03/2004).
Cette mission doit être clairement  distinguée de l’examen psychiatrique d’urgence qui doit pouvoir être demandé en cas de doute sur l’état de santé mentale du sujet soit dans le cadre de la mission de type expertal qui consiste à déterminer la compatibilité de l’état de santé avec la garde  à vue, soit simplement dans une optique de soin.
Il n’existe pas de consensus entre experts quant à la possibilité d’effectuer une expertise
psychiatrique de qualité et approfondie dans les conditions très particulières de la garde à vue. Intervention du médecin auprès des personnes en garde à vue. Il existe cependant un consensus sur la prudence qui doit présider à la présentation des conclusions d'un examen réalisé dans de telles conditions.
Compte tenu de la gravité des décisions pénales susceptibles de suivre ce rapport
d’expertise, le jury attire l’attention sur les limites d’une expertise psychiatrique réalisée
dans le temps de la garde à vue et sur la prudence qui doit accompagner son
interprétation.

L’examen médical de la personne gardée à vue n’est pas assimilable à une expertise ou à une réquisition à l’homme de l’art, dans la mesure où il ne suppose aucune prestation de serment,
y compris de la part des praticiens qui ne sont pas inscrits sur une liste d’experts. Il ne
comprend par ailleurs ni le dépôt d’un rapport d’expertise, ni l’interprétation de résultats.

La rédaction de la fiche médicale confidentielle
La fiche médicale confidentielle, non transmise à l’autorité requérante et conservée par le
médecin, a pour objet de recueillir et de conserver la trace d’informations médicales ne
concernant pas directement la mission fixée dans la réquisition judiciaire.
Les données recueillies concernent :
# les antécédents médico-chirurgicaux, y compris les conduites addictives,
fréquentes et d’intérêt diagnostique, pronostique et thérapeutique majeur dans le temps
de la garde à vue ;
# les traitements en cours, le jour et l’heure de la dernière prise ;
# les conditions de la garde à vue : les réactions psychologiques face à une décision
de placement en garde à vue dépendant notamment de l’expérience que la personne peut
avoir de la mesure, une attention médicale particulière doit être portée aux personnes
placées en garde à vue pour la première fois ;
# les données d’examen clinique : le contenu de l’examen clinique est à l’appréciation du médecin, compte tenu des déclarations de la personne ; la description systématique, même succincte, de l’état psychique de l’intéressé permet de situer le contexte de l’examen médical général ;
# les examens complémentaires éventuellement pratiqués ou demandés ;
# la nature des traitements éventuellement administrés ou prescrits : la nature des
traitements administrés ou prescrits est couverte par le secret professionnel et ne doit pas
être communiquée à l’autorité requérante, sauf dans l’intérêt direct de la personne et
avec son accord ; elle doit cependant figurer dans la fiche médicale confidentielle. 

Sous peine d’amende, le médecin est tenu de déférer à la réquisition et remet son rapport à l’autorité requérante.
Il peut néanmoins refuser son concours: en cas d’inaptitude physique, en cas d’inaptitude technique, lorsqu’il est le médecin traitant de la personne à examiner.
 

Réquisition pour demande d’informations

La réquisition a pour objet d’obtenir le témoignage du médecin sur des faits qu’il a connus dans son activité de médecin : date de consultation, adresse du patient, objet de la consultation, nature des traitements, ...et plus généralement ce qui a trait au patient pris en charge.
La réquisition n’a pas pour effet de délier le médecin de son obligation au secret professionnel et quelle que soit la nature du renseignement demandé (« administratif » ou purement médical), il ne peut que refuser de répondre à la réquisition.
Il n’encourt ce faisant aucune sanction.
Depuis les lois Perben de 2003 et 2004,  le procureur de la République ou l’OPJ, sur l’autorisation de celui-ci (enquête préliminaire – article 77-1-1 du code de procédure pénale)  ou sous son contrôle (enquête de flagrance – article 60-1 du même code) « peut requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public, de toute administration qui sont susceptibles de détenir des documents intéressant l’enquête, y compris ceux issus d’un système informatique ou d’un traitement de données nominatives, de lui remettre ces documents, notamment sous forme numérique, sans que puisse lui être opposé, sans motif légitime, l’obligation au secret professionnel. »
Le refus de répondre est sanctionné d’une amende de 3750 euros.
Lorsque la réquisition est adressée à une des trois catégories professionnelles : avocat, journaliste, médecin (visées par le texte par référence respectivement aux articles 56-1 à 56-3 du code de procédure pénale), les articles 77-1-1 et 60-1 ajoutent que la remise des documents ne peut intervenir qu’avec l’accord du professionnel concerné.
Ces articles font donc dépendre la remise d’un dossier couvert par le secret médical de l’accord du médecin, ce qui paraît incompatible avec la conception traditionnelle du secret professionnel général et absolu en matière médicale.
Les dispositions des articles 77-1-1 et 60-1 sont de plus en plus souvent invoquées –parfois de manière incomplète – par les OPJ pour obtenir –sans saisie- les documents qu’ils détiennent.
Il faut conseiller aux médecins requis dans cette situation de refuser leur accord. Ce refus ne peut être sanctionné par une amende.
La procédure de saisie sera alors mise en œuvre dans les conditions habituelles (présence d’un conseiller ordinal, mise sous scellés fermés du dossier saisi), éventuellement opérée par le magistrat lui-même.