Le signalement

Signalement : il s’agit d’une information destinée au Procureur de la République du TGI, concernant la maltraitance, maltraitance envers les mineurs mais également envers toutes les personnes vulnérables, personnes âgées ou handicapées,… Cette information sera adressée directement par le médecin au Procureur. Dans l’urgence, le signalement sur la situation d’une personne en danger peut être effectuée par appel téléphonique, mais sera confirmée par un document écrit, daté et signé (le médecin s’assurera de sa réception et en conservera un double). Certaines modalités pratiques vont être précisées ensuite.
La problématique du « signalement » va être confrontée à 2 principes déontologiques majeurs, qui pourraient apparaître contradictoires, à savoir le respect du secret professionnel et la lutte contre la maltraitance, avec son corollaire le délit de « non assistance à personne en danger ».
2 articles du Code de Déontologie sont concernés, les articles 4 et 44.
 

-Article 4 (article R. 4127-4 du Code de Santé Publique) :
« Le secret professionnel, institué dans l’intérêt des patients, s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi.
Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris. »
Le secret médical est un droit du patient et un devoir du médecin. Il est absolu. Seule la Loi permet des dérogations. Il y a des dérogations légales obligatoires (déclaration des naissances, des décès, admission en soins psychiatriques,…) ;  il y a d’autres situations où la Loi autorise le médecin à déroger à ce principe du secret médical. Ces « Permissions de la Loi » concernent en particulier la dénonciation des sévices ou privations infligés à un mineur ou à une personne incapable de se protéger (article 226-14, 2° du code pénal).
Ce n’est donc pas une obligation pour le médecin, qui doit agir en conscience devant chaque situation. Avant un signalement aux autorités judiciaires, Il pourra préférer, au mois temporairement, d’autres mesures (une hospitalisation de la victime par exemple; …). Mais il est évident qu’en aucun cas de maltraitance, le médecin informé doit rester passif, sans encourir les peines prévues à l’article 223-6 du code pénal réprimant la non-assistance à personne en péril.


-Article 44 (article R.4127-44 du Code de Santé Publique modifié par le décret n° 2012-694 du 7 mai 2012) :
« Lorsqu’un médecin discerne qu’une personne auprès de laquelle il est appelé est victime de sévices ou de privations, il doit mettre en œuvre les moyens les plus adéquats pour la protéger en faisant preuve de prudence et de circonspection.
Lorsqu’il s’agit d’un mineur ou d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique, il alerte les autorités judiciaires ou administratives sauf circonstances particulières qu’il apprécie en conscience. »
La maltraitance concerne les mineurs, mais également les personnes âgées, les personnes handicapées, les conjoints, et d’une façon générale toute personne vulnérable. Par maltraitance on entend toute violence physique ou psychique, les atteintes sexuelles, la cruauté mentale, les négligences ayant des conséquences préjudiciables sur l’état de santé et, pour un enfant, sur son développement physique et psychique.
En cas de maltraitances flagrantes ou fortes présomptions, le médecin doit soustraire d’urgence la victime aux sévices, en l’hospitalisant par exemple. Dans les cas moins évidents, le médecin traitant doit faire appel au concours de confrères (pédiatre, gynécologue, psychiatre,…) pour étayer un tel diagnostic de maltraitance (répercussions importantes sur la famille,…). Parfois le médecin aura recours aux autorités administratives (Conseil Général-service de l’Aide sociale à l’Enfance) pour une « information préoccupante ».

Enfin, en cas de maltraitance avérée, avec nécessité de prendre des mesures urgentes pour protéger l’enfant ou la personne vulnérable, le médecin, devant impérativement agir, aura recours aux autorités judiciaires, par un signalement au Procureur de la République ou son substitut.
Si la victime est mineure, son accord n’est pas nécessaire. S’il s’agit d’une personne majeure, le signalement des sévices se fait avec l’accord de la victime, sauf si elle n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique.

En pratique, le signalement est un document écrit, avec date précise et heure de l’examen ; renseignements d’identité. Exposé de la situation, de façon la plus objective possible. Les propos de la victime doivent être retranscrits littéralement, « entre guillemets ». Examen clinique, avec les faits constatés (l’information doit être nécessaire, pertinente et non excessive).
A noter qu’il y a une part d’interprétation du médecin dans un signalement, car celui-ci « alerte » l’autorité judiciaire dans une situation où il estime que l’état de santé du patient est consécutif à de possibles sévices ou privations. Certains éléments permettront peut-être d’identifier l’auteur des sévices, sans désigner cette personne comme auteur des faits.
Concernant le médecin, la loi (article 226-14 du code pénal) autorise le signalement des sévices mais non le signalement de l’auteur présumé.
Alors, que risque le médecin en cas de signalement abusif ? Pas de poursuite pour diffamation, car un signalement à l’autorité judiciaire n’a rien à voir avec la diffamation. Le risque d’une poursuite ultérieure pour dénonciation calomnieuse est plus sérieuse, mais cette crainte ne saurait arrêter le médecin s’il prend un certain nombre de précautions dans le signalement (transcription des propos de la victime ; objectivité dans la description des faits constatés). La dénonciation calomnieuse impliquerait (article 226-10 du code pénal) que le médecin ait conscience du caractère mensonger des éléments dénoncés.
Reste l’estimation de l’ITT pénale (Incapacité Totale de Travail), qui n’a rien à voir avec l’ITT civile (Incapacité Temporaire Totale, avec arrêt de travail). Cette ITT pénale confie au médecin une responsabilité écrasante, puisqu’en cas de sévices, la sanction pénale prendra en compte cette durée d’ITT. Rôle d’une unité médico-judiciaire (si le médecin ne peut fixer l’ITT) ?
PS : un modèle de signalement de sévices à mineur peut être téléchargé sur le site du CNOM (onglet Médecin : signaler la maltraitance).