Les certificats
Article 76 du CDM (article R4127-76 du CSP) + Articles 28 et 50
L’exercice de la médecine comporte normalement l’établissement par le médecin, conformément aux constatations médicales qu’il est en mesure de faire, des certificats, attestations et documents dont la production est prescrite par les textes législatifs et réglementaires Tout certificat, ordonnance, attestation ou document délivré par un médecin doit être rédigé lisiblement en langue française et daté, permettre l’identification du praticien dont il émane et être signé par lui. Le médecin peut en remettre une traduction au patient dans la langue de celui-ci. Un certificat a valeur de preuve médico-légale. Sa rédaction engage la responsabilité du médecin qui sous-estime souvent les risques qu’implique un certificat non conforme aux principes établis : plus de 20% des plaintes enregistrées auprès des chambres disciplinaires de première instance mettent en cause des certificats médicaux. Une rédaction imparfaite, – ou la méconnaissance par le rédacteur de ce qui doit y figurer – est source de conflits, de plaintes et de sanctions par les juridictions disciplinaires, civiles et parfois pénales. Nous nous proposons de vous éviter ces déboires en vous rappelant quelques règles essentielles qui obéissent à des principes finalement simples reposant sur le fait que l’on ne peut certifier que ce que l’on a constaté personnellement et sans mettre en cause de tiers. L’attestation remise en mains propres n’est pas un certificat ainsi qu’un signalement au procureur
Quelques précautions sont donc nécessaires.
1) Il ne faut certifier que les faits médicaux personnellement constatés à travers un examen clinique minutieux. Le respect du secret médical s’impose .Le certificat ne doit en aucun cas relater les circonstances de l’accident ou de l’agression ! En cas de doute, contacter votre conseil départemental de l’Ordre. 2) Il faut être attentif à la rédaction qui ne doit pas attribuer la responsabilité de l’acte à une personne (nous sommes médecins et non policiers ou juges d’instruction). 3) Il faut savoir prendre son temps lors de la rédaction : trop d’erreurs et d’imprécisions surviennent parce que le médecin, pressé par le temps, ne s’est pas relu ou a rédigé un certificat imprécis. 4) Lorsqu’il est rédigé, le certificat doit être remis en mains propres au patient, à un tiers, (constituant une exception légale : mineur, majeur incapable) ou à l’autorité judiciaire lorsqu’il y a eu réquisition. Aucun tiers ne doit être mis en cause. Une copie du certificat doit bien entendu être conservée par le médecin. Enfin, jamais de certificat sans signature, accompagnée éventuellement d’un coup de tampon afin d’éviter toute falsification. 5) Savoir dire non et se demander quelle utilité à cette demande et toujours prendre son temps ; il n’y a pas d’urgence.
Certificats obligatoires (liste ci jointe) :
Certificats de décès (article L2223-42 du code général des collectivités)
Ce certificat est OBLIGATOIRE. En cas de mort violente ou suspecte, le médecin cochera la case Obstacle médico-légal. Le permis d’inhumer ne pourra être délivré que par l’autorité judiciaire après enquête. L’obstacle médico-légal au certificat doit faire l’objet d’une fiche navette entre médecin gendarmerie pour que la bonne prise en compte de cet obstacle permette une éventuelle levée par le procureur sans recourir obligatoirement au transport de corps à l’institut médico-légal de Caen Les obstacles médico-légaux sont les suivants : Homicide ou suspicion d’homicide, Mort subite inattendue, mort subite du N-né, Violation des droits de l’homme, Suicide ou suspicion de suicide, Mort au cours d’une consultation ou d’un acte médical (suspicion de faute médicale), Accident de transport, de travail ou domestique, Maladie professionnelle, catastrophe naturelle ou technologique, Décès en détention ou associé à des actions de police ou de militaires, Corps non identifié ou restes squelettiques Le certificat post-mortem : il peut délivrer un certificat pour que les ayants droits bénéficient de droits prévus par exemple dans les contrats d’assurance. En cas de suicide, le médecin peut délivrer un certificat si la cause du décès correspond aux garanties contractuelles, il atteste alors l’existence d’une mort naturelle en raison de maladie ou accident.
Certificats protection des malades mentaux incapables majeurs et utilisateurs de drogues
Loi du 03/01/1968 et du 27/06/1990
Certificat d’hospitalisation sans consentement
Hospitalisation par un tiers Art L3211-1 CSP demande d’un tiers manuscrite, 2 certificats médicaux dont un à l’extérieur de l’établissement Signature du directeur En cas de péril imminent un seul certificat Art L3211-1 CSP
Certificat dans la mise en place d’une mesure de protection
I/ Un constat :
20.000 majeurs protégés en Basse-Normandie Une nouvelle loi reformant le régime de protection juridique des majeurs protégés (loi n° 2007-308 du 5 mars 2007) est entrée en vigueur en 2009. Parmi les diverses dispositions de cette loi, un des points essentiels porte sur la durée limitée à 5 ans du régime de protection. Au terme de ce quinquennat, il est fait obligation de réviser le maintien ou non de la mesure ou de son allègement, de son renforcement ou de sa mainlevée. Dès cette année, l’ensemble des mesures prononcées à ce jour doivent être réexaminées dans un délai de 3 ans (20.000 personnes donc en Basse Normandie en 3 ans …). Les mesures de protection sont limitées aux seules personnes atteintes d’altération de leur faculté mentale ou corporelle (la protection pour prodigalité ou intempérance est supprimée et le juge ne peut plus s’autosaisir). L’avis médical est donc incontournable. Le manque cruel de médecins experts risque de freiner la mise en œuvre de cette réforme que le législateur a voulue dans un souci de protection des majeurs vulnérables.
II/ Les modalités et territoires d’intervention des médecins :
- Le « Médecin de famille » et le médecin hospitalier
La place du « médecin de famille » reste primordiale (l’expression « médecin de famille » est utilisée à dessein afin de ne pas induire de confusion avec l’expression « médecin traitant » dans son sens conventionnel). Le plus souvent, sa connaissance du patient lui permet d’apprécier la pertinence d’une demande de protection juridique. L’article 76 du Code de déontologie lui fait d’ailleurs obligation de fournir un certificat. Et c’est sans difficulté le plus souvent qu’il rédige de tels certificats à la demande des personnes autorisées : La personne elle-même, Son conjoint, son partenaire, Toute personne qui entretient des liens étroits et stables avec le majeur sans conditions de résidence, La personne qui exerce une mesure de protection, Le procureur de la République Un tel certificat est souvent ainsi rédigé : « Je soussigné Docteur.........nom, adresse,................certifie avoir examiné ce jour M ou Mme......... né(e) le..... à ................. et avoir constaté l'altération de ses facultés mentales et/ou corporelles. Ce patient pourrait bénéficier d’une mesure de protection juridique Fait-le.........Signature. » Par contre depuis la nouvelle loi, nombre de médecins sont sollicités afin de fournir un certificat sur le maintien du régime, le renforcement ou son allégement. Les personnes autorisées à le demander sont les mêmes que dans le cas précédent. A juste titre de nombreux confrères se sont émus, pensant que ce certificat avait valeur d’expertise (ce qui est déontologiquement impossible et rappelé par l’article 105 du code de déontologie). Il est impossible que le médecin traitant rédige un certificat circonstancié et soit considéré comme un expert. Le médecin traitant peut indiquer l’état de son patient et le juge appréciera. Il convient de concevoir que ce certificat sert à justifier la demande de maintien, d’allégement ou de renforcement auprès du juge et ne constitue pas une expertise. Les règles de rédaction sont tout à fait superposables et le certificat pourrait être ainsi rédigé : « Je soussigné Docteur.........nom, adresse,................certifie avoir examiné ce jour M ou Mme......... né(e) le..... à ................. et avoir constaté l'altération de ses facultés mentales et/ou corporelles. Ce patient pourrait bénéficier du (maintien, renforcement, allègement) de la mesure de protection juridique Fait-le......... Signature. » A l'hôpital, le chef de service est tenu par la loi de déclencher une mesure de protection. Comme en ville, la demande déclenche immédiatement la mise sous sauvegarde.
- Le Médecin Spécialiste inscrit sur la liste
La liste des médecins établie par le Procureur de la République L'article 431 nouveau du code civil (en remplacement de l'article 493-1 de la loi du 3 janvier 1968) permet d'ouvrir la liste des médecins habilités en matière de tutelle ou curatelle à tout médecin, spécialiste ou non, que le Procureur de la République considère comme susceptible de répondre à la mission de diagnostic et de pronostic de l'altération des facultés de la personne. Il n'est donc plus exigé que le médecin choisi soit spécialiste en psychiatrie ou neuropsychiatrie. L’ouverture d’une mesure de protection nécessite un « Certificat Médical Circonstancié » (et non pas une expertise dont les règles de rédaction sont bien différentes). On trouvera en annexe un modèle d’un tel certificat. L’obligation de fournir un certificat médical émanant sur la liste dressé par le procureur de le république devient impérative .Le certificat répond aux conditions fixées par l’article 1219 du code de procédure civile Le médecin doit décrire avec précision l’altération des facultés du majeur à protéger et donner au juge tout élément d’information sur l’évolution et préciser les conséquences de cette altération sur la nécessité d’une assistance ou d’une représentation du majeur dans les actes de la vie civile indique aussi si le majeur peut être entendu Le certificat est une condition nécessaire de la saisine du juge des tutelles Des possibles modifications peuvent venir de l’article 42 alinéa 3 du code civil qui peut autoriser le juge à renouveler la protection à condition qu’il n’est pas envisagé d’aggraver la mesure de protection et que l’audition du majeur est possible
- Le Médecin Expert
Dans certains cas litigieux, une « véritable » expertise peut être demandée, avec ses règles d’usage, ses modalités d’examen et de rédaction. Il s’agit d’un tout autre exercice médical que la rédaction du certificat médical circonstancié.
III/ Les conditions de rémunération :
1/ Du « Médecin de famille »
Les honoraires dus pour le certificat demandé au Médecin de famille, restent soumis aux usages : ils doivent être fixés avec tact et mesure et ne sont pas remboursables par le régime d’assurance maladie, sauf si le certificat est rédigé au cours d’une consultation de soins. 2/ Du Médecin Spécialiste inscrit sur la liste A compter du 1er janvier 2009, le décret 2008-1485 du 22 décembre 2008, prévoit le montant des honoraires que peut percevoir le médecin inscrit sur la liste pour l’établissement de certificats Pour un certificat médical circonstancié, le montant est fixé à 160 €, Pour un simple avis médical (le majeur protégé est-il incapable de retourner dans son domicile ?.....) le montant est fixé à 25 €
Certificats autres
Certificat médical et assurances
Elles ne peuvent rien exiger des médecins. Seuls les médecins des caisses d’assurance maladie peuvent obtenir des renseignements (article 50 du CDM ) Le questionnaire de santé que l’organisme assureur demande au patient ne doit pas être rempli par le médecin traitant. Il n’a pas non plus à valider le questionnaire A cela il existe une raison majeure constituée par une maladie grave qui n’a pas été portée à la connaissance du patient. Dans ce cas le médecin cautionne un mensonge et se rend complice d’une escroquerie à l’assurance.
Cas particuliers des certificats en cas de sévices sexuels
Le but est l’établissement de la matérialité des faits et la constatation et la description des lésions. Le certificat établit dans un premier temps et ce de façon facultative les allégations écrites au conditionnel puis mentionne l’examen clinique le plus précis et conclut en fixant si possible une ITT - différent de l’arrêt de travail - faisant référence à l’arrêt des activités personnelles.
Certificat de garde à vue
Se fait sur réquisition ART 2 CDM ARTICLE 63-3 CPP à la demande de la personne, du procureur, de l’OPJ, de la famille. Il est obligatoire pour le mineur . D’une part, il a donné lieu à l’élaboration d’un modèle de certificat médical (remis à l’autorité requérante) ainsi que d’un modèle de fiche médicale confidentielle (conservée par le médecin requis) qui devraient grandement faciliter la tâche de nos confrères. De même, l’élaboration d’un modèle de mémoire de frais type (non encore annexé mais dont nous avons réclamé la communication) et le rappel par le guide de la nécessité que soit mentionné par l’Officier de police judiciaire le numéro de procédure sur le mémoire de frais devraient permettre d’accélérer le paiement de nos confrères requis. L’intervention du médecin en garde à vue ne doit pas reposer sur l’organisation de la permanence des soins comme nous l’avons si souvent rappelé. Nous attirons votre attention sur l’invitation faite par le ministère de la Justice aux procureurs de la République de mettre en oeuvre une organisation distincte s’appuyant sur les services hospitaliers de médecine légale et/ou des réseaux de médecins volontaires pour pratiquer ce type d’activité. La réquisition, outre la mission principale d’évaluation de la compatibilité de l’état de santé de la personne retenue avec son maintien en garde à vue, peut prévoir une mission accessoire de constatation d’éventuelles lésions traumatiques visibles récentes. Lorsque cela est le cas, cette deuxième mission doit donner lieu à la rédaction d’un certificat autonome descriptif distinct du modèle de certificat ci-joint. Le modèle de certificat évoque également la possibilité pour le médecin requis de se prononcer sur la compatibilité de l’état de santé de la personne retenue avec son maintien en garde à vue sous réserve. Il nous semble que cette situation doit relever de l’exception. Il est défini les conditions de sécurité, de confidentialité et d’hygiène que doivent remplir les locaux où se déroule l’examen de la personne en garde à vue. Des recommandations indiquent que si l’examen ne peut avoir lieu dans les conditions définies, le médecin requis doit cependant y procéder, si cela reste possible, dans des conditions jugées acceptables par le médecin. . Il appartient au médecin requis, et à lui seul, d’apprécier lorsque toutes les conditions préconisées par le guide ne sont pas remplies, s’il lui est déontologiquement possible ou non de procéder à l’examen. De même, en l’absence d’interprète il lui appartient seul d’apprécier s’il lui est possible de procéder à l’indispensable information de la personne gardée à vue préalablement à l’examen et sans laquelle celui-ci ne peut avoir lieu. Dans tous les cas évoqués ci-dessus, le médecin requis devra soit refuser de procéder à l’examen, soit prononcer une incompatibilité au maintien en garde à vue. Les qualités professionnelles exigées du médecin requis sont définies. Il doit faire état d’une formation spécifique. Cette formation ne peut être exigée que des médecins volontaires participant aux réseaux évoqués ci-dessus. Il va de soi qu’aucune formation ne peut être exigée du médecin requis pendant sa garde ou qui n’aurait pas manifesté la volonté de participer au réseau.
Certificat coups et blessures
Le certificat médical initial du médecin est la pièce fondamentale pour décider de la compétence du tribunal qui jugera et condamnera le responsable de l'accident, des violences et voies de fait. C'est la durée de l'incapacité totale de travail personnel (I.T.T.) qui détermine la juridiction compétente. L'I.T.T. ne correspond pas à l'arrêt de travail. Il s'agit du laps de temps pendant lequel la victime ne pourra accomplir ou subira une gêne importante dans l'accomplissement des actes usuels de la vie (se laver, manger, s'habiller...). En cas de blessure involontaire (code pénal articles 222-19 et 222-20) : Si l'I.T.T. est strictement supérieure à trois mois, les faits seront qualifiés de délit et relèveront de l'appréciation du tribunal correctionnel (emprisonnement de deux ans et amende de 30000 euros), ou en cas de violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, la peine encourue est portée à 3 ans et 45000 euros (article 222-19). Si l'I.T.T. est inférieure ou égale à trois mois, c'est le tribunal de police qui est compétent sauf en cas de violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement faisant porter la peine encourue à un an d'emprisonnement d'un an et amende de 15000 euros (article 222-20). Si l'I.T.T. est nulle mais en cas de violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, l'infraction relève de la compétence du Tribunal de Police et expose son auteur à une contravention de la 5è classe (R. 625-3). En cas de blessures volontaires (code pénal articles 222-11, 222-13 et textes réglementaires R. 624-1, R. 625-1). Si l'I.T.T. est strictement supérieure à huit jours, les faits seront qualifiés de délit et relèveront de l'appréciation du tribunal correctionnel (peine de prison de trois ans et amende de 45 000 euros), en cas de circonstances aggravantes (mineur de 15 ans, personnes vulnérables...), les mêmes peines seront encourues quelque soit la durée de l'I.T.T. Si l'I.T.T. est inférieure ou égale à huit jours, les faits relèveront de la compétence du tribunal de police (contraventions de 4è classe ou de 5è classe si l'I.T.T. est inférieure ou égale à 8 jours).
Certificat médical titre de séjour
Des préfectures pour enregistrer la demande de titre de séjour en raison de leur état de santé demandent à la personne malade de se présenter au guichet muni d’un certificat médical précis et circonstancié .Or l’article R313-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précise que les personnes malades qui sollicitent la délivrance d’un titre de séjour en raison de leur état de santé n’ont pas à produire le certificat médical pour toute demande de carte de séjour temporaire Cette pratique est contraire au secret médical En fait la décision pour personne malade est prise par le préfet après avis du médecin de l’ARS du lieu de résidence de l’intéressé Son avis est émis au vu d’un rapport fait par un médecin agréé ou d’un médecin hospitalier et en fonction des informations sanitaires eu le pays
Certificats de conception et de l’enfance
Obligatoires : déclaration de naissances et certificats de santé de l’enfant vaccinations Certificat pré IVG par médecin La Loi n°2001-588 du 4 juillet 2001 Délai : 12 semaines de grossesse, soit 14 SA.(art L2212-1 du code de la santé publique) Lieu : Etablissement de santé ou cabinet de ville par praticien conventionné (art L2212-2) Obligations du médecin : (art L2212-3 et L2212-4) Informer des méthodes, risques et effets secondaires potentiels. Remettre un dossier-guide. Proposer un entretien psycho-social. Cas d’une femme mineure : consentement parentale non obligatoire (art L2212-7)
Le signalement
Signalement : il s’agit d’une information destinée au Procureur de la République du TGI, concernant la maltraitance, maltraitance envers les mineurs mais également envers toutes les personnes vulnérables, personnes âgées ou handicapées,… Cette information sera adressée directement par le médecin au Procureur. Dans l’urgence, le signalement sur la situation d’une personne en danger peut être effectuée par appel téléphonique, mais sera confirmée par un document écrit, daté et signé (le médecin s’assurera de sa réception et en conservera un double). Certaines modalités pratiques vont être précisées ensuite. La problématique du « signalement » va être confrontée à 2 principes déontologiques majeurs, qui pourraient apparaître contradictoires, à savoir le respect du secret professionnel et la lutte contre la maltraitance, avec son corollaire le délit de « non assistance à personne en danger ». 2 articles du Code de Déontologie sont concernés, les articles 4 et 44.
-Article 4 (article R. 4127-4 du Code de Santé Publique) : « Le secret professionnel, institué dans l’intérêt des patients, s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris. » Le secret médical est un droit du patient et un devoir du médecin. Il est absolu. Seule la Loi permet des dérogations. Il y a des dérogations légales obligatoires (déclaration des naissances, des décès, admission en soins psychiatriques,…) ; il y a d’autres situations où la Loi autorise le médecin à déroger à ce principe du secret médical. Ces « Permissions de la Loi » concernent en particulier la dénonciation des sévices ou privations infligés à un mineur ou à une personne incapable de se protéger (article 226-14, 2° du code pénal). Ce n’est donc pas une obligation pour le médecin, qui doit agir en conscience devant chaque situation. Avant un signalement aux autorités judiciaires, Il pourra préférer, au mois temporairement, d’autres mesures (une hospitalisation de la victime par exemple; …). Mais il est évident qu’en aucun cas de maltraitance, le médecin informé doit rester passif, sans encourir les peines prévues à l’article 223-6 du code pénal réprimant la non-assistance à personne en péril.
-Article 44 (article R.4127-44 du Code de Santé Publique modifié par le décret n° 2012-694 du 7 mai 2012) : « Lorsqu’un médecin discerne qu’une personne auprès de laquelle il est appelé est victime de sévices ou de privations, il doit mettre en œuvre les moyens les plus adéquats pour la protéger en faisant preuve de prudence et de circonspection. Lorsqu’il s’agit d’un mineur ou d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique, il alerte les autorités judiciaires ou administratives sauf circonstances particulières qu’il apprécie en conscience. » La maltraitance concerne les mineurs, mais également les personnes âgées, les personnes handicapées, les conjoints, et d’une façon générale toute personne vulnérable. Par maltraitance on entend toute violence physique ou psychique, les atteintes sexuelles, la cruauté mentale, les négligences ayant des conséquences préjudiciables sur l’état de santé et, pour un enfant, sur son développement physique et psychique. En cas de maltraitances flagrantes ou fortes présomptions, le médecin doit soustraire d’urgence la victime aux sévices, en l’hospitalisant par exemple. Dans les cas moins évidents, le médecin traitant doit faire appel au concours de confrères (pédiatre, gynécologue, psychiatre,…) pour étayer un tel diagnostic de maltraitance (répercussions importantes sur la famille,…). Parfois le médecin aura recours aux autorités administratives (Conseil Général-service de l’Aide sociale à l’Enfance) pour une « information préoccupante ».
Enfin, en cas de maltraitance avérée, avec nécessité de prendre des mesures urgentes pour protéger l’enfant ou la personne vulnérable, le médecin, devant impérativement agir, aura recours aux autorités judiciaires, par un signalement au Procureur de la République ou son substitut. Si la victime est mineure, son accord n’est pas nécessaire. S’il s’agit d’une personne majeure, le signalement des sévices se fait avec l’accord de la victime, sauf si elle n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique.
En pratique, le signalement est un document écrit, avec date précise et heure de l’examen ; renseignements d’identité. Exposé de la situation, de façon la plus objective possible. Les propos de la victime doivent être retranscrits littéralement, « entre guillemets ». Examen clinique, avec les faits constatés (l’information doit être nécessaire, pertinente et non excessive). A noter qu’il y a une part d’interprétation du médecin dans un signalement, car celui-ci « alerte » l’autorité judiciaire dans une situation où il estime que l’état de santé du patient est consécutif à de possibles sévices ou privations. Certains éléments permettront peut-être d’identifier l’auteur des sévices, sans désigner cette personne comme auteur des faits. Concernant le médecin, la loi (article 226-14 du code pénal) autorise le signalement des sévices mais non le signalement de l’auteur présumé. Alors, que risque le médecin en cas de signalement abusif ? Pas de poursuite pour diffamation, car un signalement à l’autorité judiciaire n’a rien à voir avec la diffamation. Le risque d’une poursuite ultérieure pour dénonciation calomnieuse est plus sérieuse, mais cette crainte ne saurait arrêter le médecin s’il prend un certain nombre de précautions dans le signalement (transcription des propos de la victime ; objectivité dans la description des faits constatés). La dénonciation calomnieuse impliquerait (article 226-10 du code pénal) que le médecin ait conscience du caractère mensonger des éléments dénoncés. Reste l’estimation de l’ITT pénale (Incapacité Totale de Travail), qui n’a rien à voir avec l’ITT civile (Incapacité Temporaire Totale, avec arrêt de travail). Cette ITT pénale confie au médecin une responsabilité écrasante, puisqu’en cas de sévices, la sanction pénale prendra en compte cette durée d’ITT. Rôle d’une unité médico-judiciaire (si le médecin ne peut fixer l’ITT) ? PS : un modèle de signalement de sévices à mineur peut être téléchargé sur le site du CNOM (onglet Médecin : signaler la maltraitance).
Les réquisitions
Réquisition pour expertise
S’il y a lieu de procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques qui ne peuvent être différés, l’OPJ a recours à toutes personnes qualifiées. Ils peuvent alors être amenés à requérir le concours des médecins. Il est fréquent que les médecins soient requis pour un examen de garde à vue, une prise de sang en vue de la vérification de l’alcoolémie en cas d’accident de la route, l’examen du corps d’une personne décédée, une autopsie. Le terme « réquisition » et le caractère contraignant qu’il suppose est source de confusion pour les médecins. Schématiquement, on peut distinguer selon l’objet de la réquisition. Dans certains cas très précis, la loi rend possible une expertise psychiatrique dès le stade de la garde à vue. Cet examen est obligatoire avant tout jugement d’une personne suspectée d’agression sexuelle. Elle est en conséquence ordonnée en garde à vue lorsque cette personne est jugée selon la procédure de comparution immédiate. Il s’agit alors d’une véritable expertise pénale, destinée à éclairer le tribunal sur les aspects psychopathologiques du sujet, son niveau de responsabilité, son accessibilité à une sanction ou à une injonction de soins (Loi n° 2003.239 du 18/03/2003, Loi n° 2004 du 9/03/2004). Cette mission doit être clairement distinguée de l’examen psychiatrique d’urgence qui doit pouvoir être demandé en cas de doute sur l’état de santé mentale du sujet soit dans le cadre de la mission de type expertal qui consiste à déterminer la compatibilité de l’état de santé avec la garde à vue, soit simplement dans une optique de soin. Il n’existe pas de consensus entre experts quant à la possibilité d’effectuer une expertise psychiatrique de qualité et approfondie dans les conditions très particulières de la garde à vue. Intervention du médecin auprès des personnes en garde à vue. Il existe cependant un consensus sur la prudence qui doit présider à la présentation des conclusions d'un examen réalisé dans de telles conditions. Compte tenu de la gravité des décisions pénales susceptibles de suivre ce rapport d’expertise, le jury attire l’attention sur les limites d’une expertise psychiatrique réalisée dans le temps de la garde à vue et sur la prudence qui doit accompagner son interprétation. L’examen médical de la personne gardée à vue n’est pas assimilable à une expertise ou à une réquisition à l’homme de l’art, dans la mesure où il ne suppose aucune prestation de serment, y compris de la part des praticiens qui ne sont pas inscrits sur une liste d’experts. Il ne comprend par ailleurs ni le dépôt d’un rapport d’expertise, ni l’interprétation de résultats. La rédaction de la fiche médicale confidentielle La fiche médicale confidentielle, non transmise à l’autorité requérante et conservée par le médecin, a pour objet de recueillir et de conserver la trace d’informations médicales ne concernant pas directement la mission fixée dans la réquisition judiciaire. Les données recueillies concernent : # les antécédents médico-chirurgicaux, y compris les conduites addictives, fréquentes et d’intérêt diagnostique, pronostique et thérapeutique majeur dans le temps de la garde à vue ; # les traitements en cours, le jour et l’heure de la dernière prise ; # les conditions de la garde à vue : les réactions psychologiques face à une décision de placement en garde à vue dépendant notamment de l’expérience que la personne peut avoir de la mesure, une attention médicale particulière doit être portée aux personnes placées en garde à vue pour la première fois ; # les données d’examen clinique : le contenu de l’examen clinique est à l’appréciation du médecin, compte tenu des déclarations de la personne ; la description systématique, même succincte, de l’état psychique de l’intéressé permet de situer le contexte de l’examen médical général ; # les examens complémentaires éventuellement pratiqués ou demandés ; # la nature des traitements éventuellement administrés ou prescrits : la nature des traitements administrés ou prescrits est couverte par le secret professionnel et ne doit pas être communiquée à l’autorité requérante, sauf dans l’intérêt direct de la personne et avec son accord ; elle doit cependant figurer dans la fiche médicale confidentielle. Sous peine d’amende, le médecin est tenu de déférer à la réquisition et remet son rapport à l’autorité requérante. Il peut néanmoins refuser son concours: en cas d’inaptitude physique, en cas d’inaptitude technique, lorsqu’il est le médecin traitant de la personne à examiner.
Réquisition pour demande d’informations
La réquisition a pour objet d’obtenir le témoignage du médecin sur des faits qu’il a connus dans son activité de médecin : date de consultation, adresse du patient, objet de la consultation, nature des traitements, ...et plus généralement ce qui a trait au patient pris en charge. La réquisition n’a pas pour effet de délier le médecin de son obligation au secret professionnel et quelle que soit la nature du renseignement demandé (« administratif » ou purement médical), il ne peut que refuser de répondre à la réquisition. Il n’encourt ce faisant aucune sanction. Depuis les lois Perben de 2003 et 2004, le procureur de la République ou l’OPJ, sur l’autorisation de celui-ci (enquête préliminaire – article 77-1-1 du code de procédure pénale) ou sous son contrôle (enquête de flagrance – article 60-1 du même code) « peut requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public, de toute administration qui sont susceptibles de détenir des documents intéressant l’enquête, y compris ceux issus d’un système informatique ou d’un traitement de données nominatives, de lui remettre ces documents, notamment sous forme numérique, sans que puisse lui être opposé, sans motif légitime, l’obligation au secret professionnel. » Le refus de répondre est sanctionné d’une amende de 3750 euros. Lorsque la réquisition est adressée à une des trois catégories professionnelles : avocat, journaliste, médecin (visées par le texte par référence respectivement aux articles 56-1 à 56-3 du code de procédure pénale), les articles 77-1-1 et 60-1 ajoutent que la remise des documents ne peut intervenir qu’avec l’accord du professionnel concerné. Ces articles font donc dépendre la remise d’un dossier couvert par le secret médical de l’accord du médecin, ce qui paraît incompatible avec la conception traditionnelle du secret professionnel général et absolu en matière médicale. Les dispositions des articles 77-1-1 et 60-1 sont de plus en plus souvent invoquées –parfois de manière incomplète – par les OPJ pour obtenir –sans saisie- les documents qu’ils détiennent. Il faut conseiller aux médecins requis dans cette situation de refuser leur accord. Ce refus ne peut être sanctionné par une amende. La procédure de saisie sera alors mise en œuvre dans les conditions habituelles (présence d’un conseiller ordinal, mise sous scellés fermés du dossier saisi), éventuellement opérée par le magistrat lui-même.